Publié le 28 septembre 2021

Entretien avec le fr. Serge-Thomas Bonino o.p.


« L’option dominicaine : choisir de parler à, l’intelligence » ! Un entretien avec le fr. Serge-Thomas Bonino o.p. pour mieux connaître le parcours de ce théologien et philosophe de renommée internationale, venu donner la conférence inaugurale de l’année 2021/22 du diocèse.


Comment êtes-vous devenu dominicain ?

Eh bien, la séduction de saint Dominique, une figure lumineuse. J'étais dans mon adolescence en recherche d'une forme de consécration au Seigneur et la rencontre avec saint Dominique a été décisive. C'est-à-dire, une vie religieuse, un moine, si l'on peut dire, même si les Dominicains ne sont pas des moines à proprement parler ; c'est-à-dire une vie fraternelle commune, la célébration de la liturgie, tout cela m'attirait beaucoup. Mais j'avais aussi ce grand désir de communiquer. J’ai toujours été fasciné par le métier d'enseignant, de transmettre ce que l'on a soi-même reçu ou ce que l'on a cru comprendre. Et saint Dominique, de ce point de vue, m'a montré que le salut des âmes passait par la prédication, c'est-à-dire la communication. Et s'adresser à l'intelligence des personnes. Ça ne va pas de soi aujourd'hui, mais je crois que c'est l'option dominicaine : choisir de parler à l'intelligence.


Sur ce chemin de l'intelligence… vous avez fait de hautes études, vous étiez à Normale sup en particulier. Qu'est ce qui vous a amené petit à petit vers saint Thomas d'Aquin ?

Alors, c'est avant les grandes études. Je suis un fils de la Laïque. Donc j'ai grandi dans un contexte intellectuel où le christianisme, surtout dans les années 60-70, n'était pas à la fête ! Et par conséquent, j'ai très vite senti le besoin de me structurer intellectuellement. Et on m'a mis sur la piste de Thomas d'Aquin, philosophe officiel de l'Église catholique, disait-on à l'époque. Alors je me suis mis à lire saint Thomas, pour pouvoir me structurer. Et je dois dire que depuis une quarantaine d'années, je n'ai pas cessé d'y trouver ma joie, mon bonheur : cette vision de sagesse que saint Thomas nous propose, qui me permet de réfléchir sur le monde qui m'entoure et qui me permet aussi d'approfondir ma foi.


Dans le monde dans lequel nous vivons, très souvent, en tout cas dans notre Occident déchristianisé, le sentiment est que pour être un homme libre, pour être un homme structuré, il faudrait surtout ne pas avoir la foi. Il faudrait être libéré de ce carcan de la foi et que globalement, c'est un peu « les imbéciles », si j'ose dire, qui se contenteraient d'avoir la foi. Qu'auriez vous envie de nous dire sur ce point précis ?

J'aurais envie de dire que on ne peut vraiment penser le monde qui nous entoure, notre condition humaine, qu'en s'inscrivant dans une tradition. C'est-à-dire on ne peut pas reprendre à zéro. La liberté ce n'est pas de partir de rien, mais c'est d'assumer, de manière critique, de manière intelligente, ce qui nous a précédé. De sorte que, s'inscrire dans la grande tradition à la fois de la foi catholique et de l'intelligence de la foi que l'Église a développé, ouvre des horizons pour être vraiment libres. La vraie liberté, me semble t-il, ce n'est pas de refuser ce qui nous est proposé, mais c'est de l'assumer de manière intelligente. Parce que s'il n'y a pas ce tremplin qui nous sert de base, notre pensée va tourner à vide et notre liberté va tourner en cage.

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