Publié le 20 novembre 2021

Homélie de la Fête du Prince 2021


Retrouvez l'homélie de Mgr DAVID, Archevêque de Monaco, lors de la messe de Te Deum.

Monseigneur, Altesse, Excellences, Mesdames et Messieurs, chers frères et sœurs. Nous voici donc rassemblés pour ce rendez-vous annuel qui exprime si bien notre attachement à notre Prince souverain, à sa famille, à notre pays. Un rendez-vous attendu, désiré, préparé avec soin. Un rendez-vous que nous voulons accueillir avec reconnaissance et célébrer, avec tout notre enthousiasme, avec toute notre foi. Nous le savons, nous sommes une petite portion d'humanité, heureuse et fière de son identité, attachée à son histoire, à son patrimoine, à ses valeurs. Et en ce jour de fête, nous sommes rassemblés, heureux de ce que nous avons reçu, de ce que nous sommes et de ce que nous voulons vivre. Alors, dites-moi, s'agirait-il donc finalement d'une autocélébration où la Principauté, d'un regard rapide et superficiel sur elle-même, se congratulerait, pour reprendre son chemin, demain, comme si de rien n'était, puisque… « on a toujours fait comme ça » ?

Au mois de juillet dernier, lors de sa visite mémorable à Monaco, le Cardinal Secrétaire d’État (du Vativcan) Pietro Parolin nous rappelait, au nom du Saint-Père, que notre identité est d'abord et avant tout une responsabilité, une vocation. Cette vocation ne serait-elle pas de témoigner dans le monde qui est le nôtre, de témoigner que, pour reprendre l'expression célèbre de Pascal, « l'homme passe infiniment l'homme » ? Si bien que cela seul qui nous dépasse est capable de nous combler. Seul ce qui passe notre mesure est véritablement à notre mesure.

Chers amis, nous aimons regarder notre terre de Monaco, notre belle terre de Monaco et nous la recevons encore aujourd'hui comme un bien précieux, comme un lieu d'enracinement et de croissance, comme un lieu où faire fructifier nos innombrables talents et porter du fruit pour le bien de tous. Nous aimons également regarder la mer, nous réjouir des trésors qu'elle porte, nous soucier de son futur et de la manière dont nous pouvons en prendre soin. Mais regardons-nous encore le ciel ?

Oui, si nous avons bien des raisons de nous réjouir aujourd'hui, nous voulons vivre cette fête dans toute son ampleur et ne pas manquer sa dimension la plus essentielle. Comme le dit le pape François : « quand Dieu manque dans une société, la prospérité est inévitablement accompagnée d'une pauvreté spirituelle terrible. » Tous, qui que nous soyons, pouvons nous le savons bien, sauver les apparences, la réputation, tout en laissant le vide s'installer à l'intérieur. Et parmi les questions les plus essentielles qui traversent notre intérieur, demeure toujours la question de notre origine : dans le fond, d'où venons-nous ? Et la question de notre destination ultime : en fin de compte, vers où allons-nous ? Les textes de l’Écriture Sainte que nous venons d'entendre ne pourraient-ils pas éclairer ce double questionnement ?

D'où venons nous ? L'écriture nous dit, et le livre de la Genèse, avec son langage poétique, est tellement profond nous éclaire : nous trouvons notre origine la plus profonde et la plus essentielle dans le cœur de Dieu. « Faisons l'homme à notre image selon notre ressemblance ». « Et Dieu vit tout ce qu'il avait fait. Et voici, cela était très bon. »

Vers où allons-nous ? L’Evangile nous rappelle que, créés par amour, nous sommes faits pour l'amour. Si nous parlons du commandement de l'amour, nous savons que déjà, dans la première Alliance que Dieu a voulu nouer avec son peuple résonnait cette invitation : « Écoute Israël : tu aimeras le Seigneur, ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force. (Et plus loin dans l'écriture), tu aimeras ton prochain comme toi-même. » (Dt.6,Lv.19) Nous savons que ce premier commandement donné à Israël s'est parfaitement accompli dans le Christ : « comme le Père m'a aimé, moi aussi je vous ai aimés… aimez vous les uns les autres, comme je vous ai aimés. » En Jésus, nous découvrons que le commandement devient une promesse. Oui, un jour, dans le Christ, tu aimeras. Tu as commencé d'aimer et un jour véritablement, tu aimeras comme tu l'espères, de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force, avec l'amour même du Christ et pour l'éternité.

Conscients de notre origine la plus fondamentale, renouvelés dans notre espérance que Dieu, un jour, accomplira toutes ses promesses, nous voulons encore lever nos yeux vers le ciel. Nous l'avons fait il y a peu de jours, au moment de la solennité de la Toussaint. Et c'est dans ce grand mystère de la communion des Saints que nous voulons aussi célébrer ce jour de fête. Sur la tombe de l'écrivain à Bernanos, on peut lire cette phrase : « Quand je serai mort, dites au doux royaume de la terre que je l'aimais plus que je n'ai jamais osé le dire. » Oui, en ce jour de fête, nous n'oublions pas ceux qui nous sont chers et qui nous ont précédés et qui nous ont aimés parfois plus qu'ils n'ont jamais osé nous le dire. Apparemment silencieux, ils nous parlent encore aujourd'hui. Et nous les retrouverons dans quelques instants dans la grande offrande de la grande célébration de l'Eucharistie où, sans nul doute, ils s'offrent avec le Christ désormais unis à lui, libres d'aimer pour de bon et pour toujours.

Dans ce grand mystère de la communion des saints, n'attendons pas pour nous remettre entre les mains de Celui qui nous a voulus et créés par amour. N'attendons pas pour répondre à l'invitation de Celui qui nous veut avec lui pour toujours.

Puisse, en ce jour de fête, l'amour de Dieu, dont nous tenons la vie, l'existence et l'être, nous garder dans l'humilité des pauvres qui savent encore recevoir, qui savent encore rendre grâce. Puisse l'amour de Dieu qui nous fera vivre éternellement avec lui, nous garder dans l'espérance, pour que nous attendions fermement l'accomplissement de toutes les promesses. Puisse l'amour de Dieu qui vient à notre rencontre aujourd'hui, réconforter tous ceux qui, parmi nous, ont le coeur lourd, inquiet et incertain. Puisse-t-il également soutenir notre courage et notre patience, puisse-t-il affermir notre communion et notre solidarité fraternelle pour le bien de tous, pour le bien de notre Principauté.

Que le Dieu tout-puissant et miséricordieux tourne son regard vers Vous, Monseigneur. Vers la princesse Charlène, pour laquelle nous formulons des vœux chaleureux de rétablissement et sur votre famille. Que Dieu bénisse abondamment la Principauté qu'il aime, la principauté qu'ensemble, nous voulons aimer et servir.

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