Publié le 12 octobre 2021

Homélie de Mgr David lors du pèlerinage diocésain à Laghet


Dans son homélie de dimanche dernier, lors du pèlerinage du Diocèse de Monaco à Laghet, Mgr Dominique-Marie David a évoqué la grave crise qui touche actuellement l'Église. Retrouvons son homélie complète.


Nous sommes encore sous le choc de tout ce que nous avons appris ces derniers jours. Et nous avons été souvent invités au silence. À la prière. Peut-être même notre prière peut elle se faire un cri vers le Seigneur en lui demandant de venir à notre aide et de nous montrer sa Miséricorde. Oui, nous sommes invités à accueillir la force de la Parole de Dieu qui seule peut relever, guérir, réconcilier, purifier, convertir. Non pas nos paroles, mais sa Parole à Lui.

Et aujourd'hui, dans les textes que nous venons d'entendre, deux hommes se partagent la scène. D'un côté, un roi. Salomon. De l'autre côté, un homme dont on ne connaît pas le nom. L’Évangile l'appelle l'homme, d'autres Évangiles parallèles en font un « jeune homme », un jeune homme riche. Tous deux sont en recherche. Salomon, à qui on attribue le Livre de la Sagesse, demande précisément à Dieu ce don de la sagesse. L'homme, le jeune homme de l'Évangile, est préoccupé par la vie éternelle et par les moyens d'y parvenir.

Oui, peut-être pouvons nous, comme Salomon, demander aujourd'hui à Dieu une bonne dose de sagesse, de discernement. La sagesse est la qualité de l'homme avisé, de l'homme au jugement sûr, au choix justes. Et la sagesse suprême, c'est le parfait accord avec Dieu. Alors, on comprend pourquoi Marie est le trône de la Sagesse, non seulement parce qu'elle a mis au monde la Sagesse incarnée, mais parce qu'elle-même a été parfaitement accordée avec Dieu.

La sagesse, c'est une lumière qui nous fait tout voir en Dieu. Et qui, du coup, met dans l'ombre toutes les lumières artificielles ou celles qui ne sont qu'apparentes. Face à cette lumière de la Sagesse, des puissances politiques ou économiques, tout l'or du monde, la santé des athlètes et la beauté des stars, pâlissent. Or, peut-être aujourd'hui, nous nous sentons bien pauvres en sagesse et bien démunis de moyens pour comprendre le chemin que Dieu nous propose.

Le deuxième personnage de ce jour, lui, croit déjà être sage, au moins en partie, mais il accourt vers Jésus. Parfait observateur de la Loi, bien disposé de cœur, au point que Jésus se prend d'affection pour lui. Pourtant, à travers les questions de cet homme, pointe une insatisfaction, comme s'il percevait un idéal pas encore atteint, peut-être même trop élevé. Un enjeu trop important pour ses seules capacités. Jésus, lui, est heureux de le rencontrer. Jésus vient à la rencontre de ce qui se passe en lui, de ce qui se passe dans le cœur de cet homme. Et d'emblée, il lui parle de la bonté de Dieu. Seul Dieu est bon. Jésus commence par élargir son horizon pour qu'il puisse comprendre qu'en se détachant de ses biens, en se détachant de lui-même et en suivant Jésus, il ne perdra rien. Rien, au contraire, il aura tout.

Dans sa prière, Salomon disait de la Sagesse que tous les biens lui étaient venus avec elle. Eh bien, le jeune homme est invité à croire qu'avec Jésus, tout lui sera donné, tout. Malheureusement, son attachement premier demeure et il devient sombre et s'en va tout triste, car « il avait de grands biens » au pluriel et il a laissé le « grand bien » au singulier. C'est là où notre méditation, notre réflexion de ce jour peut se faire écoute et prière. Écoute.

La deuxième lecture nous parle justement de la Parole de Dieu, comme une épée à deux tranchants ; la Parole de Dieu comme une parole vivante et incisive. Sans doute le jeune homme riche a fait l'expérience de cette parole énergique et plus coupante qu'une épée à deux tranchants. Mais a-t-il vraiment compris que cette parole était également vivante ? A-t-il compris qu'il avait devant lui la Parole vivante de Dieu, Jésus, capable de libérer son cœur prisonnier, capable d'éclairer d'une lumière nouvelle sa vie obscurcie, même si elle était bien balisée par les Commandements, mais tellement encombrée.

L'écoute et la prière. La prière, comme nous l'avons entendu de la bouche même de Salomon. J'ai prié, dit-il, j'ai supplié. Et je ne peux pas m'empêcher de repenser au jeune homme riche : mais pourquoi n'a-t-il pas prié ? Pourquoi n'a-t-il pas supplié ? Quel dommage qu'il n'ait pas crié vers le Seigneur à la manière du père qui, s'adressant à Jésus, lui dit : « je crois, mais viens en aide à mon peu de foi » ou, comme nous le faisons si souvent, les prêtres, religieux, religieuses et les laïcs qui prient la Liturgie des Heures et qui répètent plusieurs fois par jour : « Dieu, viens à mon aide, Seigneur à notre secours ». L'original latin c’est : « viens vite à mon secours, viens vite à notre secours ».

D'ailleurs, à propos de Psaume, je suis de plus en plus persuadé que le psaume est non seulement la prière que nous faisons monter vers Dieu à la suite du Peuple de la Première Alliance, mais qu'il est un don de Dieu, un cadeau que Dieu nous donne, un secours que Dieu nous donne lorsque nous ne savons plus prier, comme peut-être ces derniers jours, lorsque nous ne trouvons plus les mots pour nous adresser à Dieu avec confiance.

Autrement dit, il aurait peut-être suffi que le jeune homme riche ouvre le livre des Psaumes qu'il connaissait si bien et peut-être qu'il prenne le psaume de ce jour, le psaume 89. Et qu'il le prie en vérité, pour découvrir que la Parole de Dieu est non seulement une parole efficace et incisive, mais une parole vivante qui nous permet de nous lever comme nous l'avons chanté au début de cette célébration et de prendre la route à la suite de Jésus. Il est tellement beau ce psaume 89.
« Seigneur, apprends moi la vraie mesure de mes jours. Reviens Seigneur ! Pourquoi tarder ?
Rassasie-moi de ton amour au matin, rends-nous en joie les années où nous connaissions le malheur.
Fais connaître ton œuvre à tes serviteurs ; consolide pour nous l'ouvrage de nos mains ».

Puisque nous sommes un peu comme le roi Salomon qui a prié pour obtenir la Sagesse. Puisque nous sommes un peu aussi comme l'homme riche de l'Évangile qui, interpellé et touché par l'appel de Jésus, hésite à faire un pas de plus pour entrer dans la radicalité de la foi.
J'imagine, si vous me permettez, une autre fin pour l'Évangile de ce jour. Ça restera entre nous. J'imagine que nous puissions immédiatement plonger dans la prière et tous ensemble ce matin, prier avec le Psaume 89.
« Seigneur, apprends moi la vraie mesure de mes jours ».
Oui, Seigneur, apprends-moi à ne plus mesurer ma vie à l'aune de mes biens, de mes sécurités, mais selon la grandeur de ton Amour.
« Reviens Seigneur, pourquoi tarder ? » Oui, reviens, Seigneur, reviens dans nos coeurs, obscurcis, encombrés, troublés, scandalisés, pour te laisser la place qui te revient. Ne tarde plus. « Rassasie nous de ton amour au matin », car seul ton amour peut rassasier nos cœurs affamés. « Rends-nous en joie les jours où nous connaissions le malheur », le malheur de vivre renfermés sur nous-mêmes, le malheur de te faire confiance à moitié, le malheur de ne pas prendre en compte la souffrance des petits. « Fait connaître ton oeuvre à tes serviteurs ». Oui révèle-nous, jusqu'où peut aller le don de ta grâce. « Et que viennent sur nous ta douceur », que vienne sur nous ta bonté, que vienne sur nous ta force, que vienne sur nous ton Esprit saint. « Et enfin, consolide l'ouvrage de nos mains », pour que jamais nous nous confions en nous-mêmes, mais en Toi, qui seul peut rendre solide et ferme notre choix de t'aimer et de servir. Pour les hommes, c'est impossible, mais pour Toi, tout est possible. Alors, à ces mots, les pèlerins de Laghet devinrent tous lumineux.

Et à la fin de cette journée de pèlerinage, ils s'en retournèrent tout joyeux, car au coeur de leur pauvreté, ils avaient trouvé leur seul et unique bien, leur seul et unique trésor.

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