Publié le 25 septembre 2021

Une rentrée spirituelle avec Dom André Louf


Impossible d'envisager une bonne rentrée sans un minimum de spiritualité. Avec Charles Wright, partons à la découverte d'André Louf.
Auteur du best-seller Le chemin des estives, paru chez Flammarion, que nous avions déjà eu l'occasion d'entendre sur la chaîne du Diocèse de Monaco lors d'une précédente vidéo : youtu.be/seKYkwAIpTE


- Qui était Don Andre Louf, l’avez-vous connu personnellement ?

C'est un moine trappiste qui est né en 1929, qui est mort en 2010. Il aurait aujourd'hui 92 ans. Ça pourrait être mon grand père. En 1963, au moment où le Concile débute, il est élu à la tête de l'abbaye du Mont des Cats, une trappe du nord de la France. Il va rester à la tête de cette abbaye pendant 35 ans et vraiment faire d'elle l'un des phares de la vie contemplative occidentale. En 1997, pour terminer sur les dates, il démissionne pour accomplir le rêve de sa jeunesse. Il a cette belle phrase : il dit qu'une vie réussie, c'est un rêve de jeunesse réalisé à l'âge mûr. Son rêve de jeunesse est de devenir ermite. Dans les douze dernières années de sa vie, il sera ermite en Provence, où il va rester jusqu'à la fin de sa vie. Pour aller un peu plus en profondeur, vous savez, Louf, c'est un peu comme un diamant. Il y a plusieurs facettes. Alors, la première chose qu'on peut dire, c'est qu'il est élu au moment du Concile. Et il va jouer les premiers rôles dans ce qu'on a appelé le « l'aggiornamento », le ressourcement de toute la vie spirituelle à la lumière des intuitions du Concile. C’est la première idée. L’autre chose qu'on peut dire, c'est que pendant 30 ans, il va vraiment être l'un des ténors des oracles de l'ordre trappiste, réputé dans le monde entier pour la hauteur de ses vues, pour sa sensibilité contemplative. Les papes vont beaucoup faire appel à lui, pour son charisme de discernement, Jean-Paul II, Paul VI (Paul VI avant Jean-Paul II). C'est aussi un grand intellectuel qui va nous traduire en français beaucoup des Pères de l'Église, dont Isaac le Syrien. Mais ce que je voudrais dire, c'est que son rayonnement s'étend bien au delà de la vie monastique, de la vie religieuse, notamment par ses livres qui sont devenus des classiques de la vie intérieure. Voilà ce qu'on peut dire, tout simplement. Si je l'ai rencontré en chair et en os. Hélas, non, parce qu'il était mort depuis trois ans quand je suis tombé pour la première fois sur l'un de ses articles. Ce que je peux dire, c'est qu'en lisant ses textes, c'était comme si mon cœur prenait feu. Vous savez, je me suis senti rejoint au plus intime et je crois que c'est ça, les pères spirituels. C'est des gens qui nous révèlent à nous mêmes et donc avec Louf, il y a une paternité très étrange, spirituelle, d'outre-tombe qui est née entre nous.


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Pourquoi sortir ce livre posthume ?

Mais tout simplement parce qu'en 2017, j'ai écrit la biographie d'André Louf qui s'appelait « Le chemin du cœur ». Je me suis engagé dans un compagnonnage au long cours avec lui. J'ai épluché sa bibliographie, j'ai rencontré ses proches, j’ai écrit à des psychologues, des ermites ; j'ai lu, rêvé, mangé Louf pendant trois ou quatre ans. Evidemment, quand on cherche, on trouve. Et donc, j'ai trouvé un nombre considérable de choses inédites. Sa correspondance, par exemple avec Thomas Merton, son journal spirituel, c'est-à-dire ce qu'une personne a de plus intime, et aussi un grand nombre d'articles, de conférences, d'enseignements. Des textes qui sont d'une grande tenue spirituelle parce que c'est vraiment un maître. Et puis des textes aussi qui vont au cœur de l'expérience intérieure. Et je me suis dit tout simplement, avec mon éditeur de fait, que je n'avais pas le droit de garder ces choses pour moi.


- En ce temps de rentrée que peut nous apporter la pensée d’André Louf ?

Il y a mille choses dans ce livre, alors je ne veux pas faire la réclame, mais c'est très riche. Mais je veux dire s'il fallait aller à l'épure. La chose principale qui a donné son titre au bouquin, c'est cette invitation, justement, à retrouver le chemin de l'intériorité, le chemin du cœur. Voilà, Louf nous dit qu'il y a en nous des immensités, des continents et en même temps, dans ces continents, c'est facile de se perdre, parce que la vie dans l'esprit, vous le savez mieux que moi, c'est un labyrinthe, c'est un dédale et on a besoin de guides. Et Louf est certainement l'un des meilleurs. Moi, je dis que Louf est le « prince de l'intériorité », c'est-à-dire que comme un géographe, comme le meilleur des géographes, il a cartographié, exploré, arpenté le moindre arpent de notre intériorité. Il en connaît tous les chemins, toutes les impasses, et donc on peut le suivre. Quand on s'engage dans ce chemin avec lui, qu'est ce qu'on découvre ? On découvre la perle du christianisme. Saint Pierre appelle ça, « l'homme caché du cœur », saint Paul, « l'homme intérieur », c'est-à-dire cette réalité spirituelle en nous, qui est la source la plus profonde de notre être, qui est ce lieu de Dieu où l’Esprit souffle en nous, nous inspire sa vie profonde. Ce que Louf nous dit, et qui n’est pas si banal, c'est que ce lieu n'est pas l'apanage des mystiques. Ce n'est pas réservé à une élite triée sur le volet. C'est la vocation de tout chrétien. Le Royaume de Dieu est en nous, donc, c'est un appel à l'aventure la plus exaltante qui soit : partir arpenter ces terres cachées.

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