Publié le 25 mai 2023

Les escapades de Jean-Pierre / La Chapelle Notre-Dame des Fontaines

Toujours dans le petit village médiéval de La Brigue, l'ami Jean-Pierre nous fait visiter l'une des plus belles chapelles peintes de la région, Notre-Dame des Fontaines, surnommée à juste titre la chapelle "Sixtine" des Alpes-Maritimes !

(Pour accéder à l'intégralité des escapades de Jean-Pierre, cliquez ICI)

La Chapelle Notre-Dame des Fontaines est située à l’est du département des Alpes-Maritimes, à quatre kilomètres et demi au-dessus du village de la Brigue, à une heure trente de Monaco, sur l’ancien chemin muletier qui reliait La Brigue à la commune italienne Triora qui se trouve dans la province d'Imperia, en région Ligurie.  Elle a été bâtie au XIIIème siècle à l’initiative d’Eudoxie Lascaris de Vintimille, comtesse de Tende.

Une légende est rattachée à la construction de cette chapelle. La croyance populaire fait état, un jour de décembre, de très nombreux tremblements de terre qui se seraient produits et sur une longue période, entrainant un tarissement des sept sources qui coulaient abondamment.

La comtesse Eudoxie aurait alors annoncé le jour de noël que les sources se remettraient à couler si une chapelle était construite. Cela fut fait à proximité du village, mais, semble-t-il à cause des tremblements de terre, la chapelle fut détruite une nuit. Eudoxie demande alors qu’elle soit reconstruite sur le site en face des sources et celles-ci miraculeusement se remirent à jaillir. La chapelle devint un  lieu de pèlerinage et reconnu en 1375 comme tel par l’évêché et le diocèse, générant des aumônes abondantes au fil du temps.

C’est ainsi que fut baptisée la chapelle « Notre-Dame des fontaines ». Elle est inscrite au titre des monuments historiques depuis 1951.

L’argent issu des aumônes fut judicieusement utilisé pour construire des petites maisons dédiées à l’accueil des pèlerins, ce qui ne manqua pas d’accroître le succès du site. 

Au XVème siècle, la chapelle devient un lieu de réunion de la noblesse de la région après de nombreux mariages des Lascaris avec d’autres familles (les Grimaldi, les Doria,…).

Les fresques magnifiques qui ornent la chapelle lui ont valu d’être appelée la chapelle Sixtine des Alpes-Maritimes. Les peintures du chœur ont été peintes par Giovanni Baleison, et l’essentiel des fresques a été réalisé par Giovanni Canavesio.

Le travail débuta aux environs de 1483 et dura une dizaine d’années. L’histoire de ces fresques est un peu compliquée, et sujette à caution. Une première version fait référence à l’histoire rocambolesque de l’assassinat en 1473 du comte de Tende, Honoré Lascaris. Cet assassinat aurait été commandité par son épouse Marguerite del Carretto, qui trouvait son époux insuffisamment ambitieux. Avec l’aide d’autres conjurés, du poison fut remis au cuisinier du comte qui décéda le 5 février 1473.

Sa veuve accusa alors ses cousins, seigneurs de la Brigue, Pietrino et Barthélémy, d’être les commanditaires de l’assassinat. Elle réussit à s’emparer de Pietrino en 1483 qu’elle fit emprisonner et torturer. Les habitants de la Brigue qui demandaient la libération de leur seigneur à Marguerite, se virent demander une somme énorme pour l’époque, de 800 florins d’or. Puis, elle renonça soudainement à cette rançon sous réserve que les habitants embellissent la chapelle pour la même somme.

Il semblerait alors que le doyen du chapitre de la collégiale Saint-Martin, Don Bernardino ait réussi à réunir ces 800 florins par souscription et avec l’aide de la banque de Gênes.

Une autre version évoque les aumônes recueillies par les pèlerins qui, seules, auraient permis de commander et de payer ces fresques.

Les fresques de l’arc de triomphe sont consacrées à la vie de Marie, celles de la nef, dévouées à la Passion du Christ, et celles du revers de la façade représentent le Jugement Dernier. La surface peinte représente environ 220m2. Elles ont été réalisées dans une obscurité presque totale, les peintres s’éclairant à la bougie, et uniquement entre le printemps et l’automne, les mois d’hiver trop froids ne permettant aucune activité.

On peut ainsi contempler la naissance de Marie, ses fiançailles, l’enfantement, la naissance de Jésus, la fuite en Egypte, le massacre des innocents, la présentation de Jésus au Temple de Jérusalem et la Passion du Christ avec l’arrestation, la conduite devant le sanhédrin, puis devant Pilate, la crucifixion et la mise en croix de Jésus.

Canavesio a aussi représenté le comte Honoré de Tende dans la scène de la crucifixion en place du centurion, son épouse Marguerite, et les conspirateurs du meurtre du comte.

Comme cela ne se faisait pas à l’époque il ne put signer son œuvre. Néanmoins, il eut l’idée de représenter un petit chien dans la scène de la flagellation du Christ, Canavesio étant le diminutif de « cane », chien en italien, qu’il a positionné sous l’échelle sous le balcon.

Giovanni Canavesio qui était aussi prêtre, a produit de nombreuses fresques dans la région de Nice. Il exerça simultanément son ministère de prêtre et de peintre à Albenga entre 1472 et 1477, puis à Nice à partir de 1480. Une rue de Nice porte d’ailleurs son nom.

Les habitants de la Brigue n’ayant pas été touchés par la peste en 1630 et préservés de la guerre entre la France et la Savoie de 1744 à 1748, ils firent couvrir la nef d’une voûte stuccée et ornées de fresques réalisées par le peintre Gaetano Ruffi.

Dans la doctrine chrétienne, le principe de l’orientation des édifices religieux est fondé sur la lumière, donc sur le soleil, comme symbole du Christ. Ainsi, depuis l’époque paléochrétienne, les églises se trouvent orientées sur l’axe est-ouest. Les bâtisseurs de Notre-Dame des Fontaines ont respecté ce dogmeen ce qui concerne le chœur. Néanmoins, la nef a été bâtie pour suivre l’orientation des sources qui s’écoulent autour de la chapelle. Ainsi, le chœur et la nef ne sont pas exactement dans le même axe.

Je vous invite également à aller visiter le château Lascaris avec sa  tour ronde, édifié par le premier seigneur de la Brigue en 1376. A l'époque, cette bâtisse fortifiée se trouvait sur la route Turin-Nice et veillait sur la sécurité de La Brigue. Une tour carrée a été construite au XVIe pour renforcer le système défensif. Le château est détruit pendant la Révolution Française. A l'abandon, il est en cours de travaux de sauvegarde.

Le détour par la Collégiale Saint-Martin en vaut aussi vraiment la peine. Vous pourrez découvrir une magnifique église très bien entretenue, et qui abrite un retable de Louis Bréa consacré à la nativité, en très bon état malgré ses presque six siècles d’existence.

Vous pourrez également visiter le Musée du Patrimoine Brigasque qui témoigne de la vie quotidienne d’antan et qui offre aux visiteurs la possibilité de découvrir toutes les activités traditionnelles locales : apiculture, activités forestières et vinicoles, l’élevage, et la fabrication de fromages.

Je tiens à remercier Monsieur Jacques Joncour, Délégué départemental adjoint de la Fondation du Patrimoine des Alpes-Maritimes, qui m'accompagne dans mes pérégrinations et m'aide à documenter mes recherches.

Bonne découverte !

Galerie