Publié le 29 octobre 2024

Les escapades de Jean-Pierre / La chapelle Saint-Érige d'Auron

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C'est une modeste chapelle, mais d'une rare richesse picturale, que nous fait visiter l'ami Jean-Pierre ce mois-ci. Partons à la découverte de la chapelle Saint-Érige d'Auron.
 

Au cœur du village d'Auron dépendant de Saint-Étienne-de-Tinée et nichée à quelques kilomètres de la célèbre station de ski, la chapelle Saint-Érige se dresse fièrement comme un gardien du passé. Cet édifice religieux, bien que modeste par sa taille, est riche en histoire et en symboles. Elle raconte une partie de l’histoire des Alpes du Sud et témoigne du lien étroit entre les habitants de cette région et leur environnement.

La chapelle Saint-Érige fut construite aux alentours du XIIIe siècle, une époque où l’architecture romane dominait dans cette partie du monde. Le choix de ce style architectural répondait à la nécessité de bâtir des édifices solides et durables dans cette région montagneuse, sujette à des conditions climatiques parfois difficiles. Le recours à la pierre locale et à des toits inclinés permettait de faire face à la neige et aux tempêtes hivernales fréquentes dans cette vallée.

Dans un premier temps, la chapelle était très petite et simple et n’était destinée qu’à accueillir les pèlerins de passage et les habitants de la vallée. Elle a été modifiée au fil des siècles, notamment au XVIe siècle, avec l'ajout d'éléments gothiques, ce qui lui donne son style unique. La chapelle comporte une nef à charpente apparente, prolongée par deux absides voûtées en cul-de-four.

L’ajout d’un clocher à quatre pans et de nouvelles baies géminées conféra à la chapelle une allure plus imposante, malgré ses dimensions modestes. Ce clocher, avec son style caractéristique des édifices religieux alpins, est devenu l’un des symboles les plus reconnaissables de la chapelle. Les matériaux utilisés pour la construction sont typiques de la région, avec de la pierre locale et des éléments de bois. Ce lieu de culte est devenu un repère spirituel pour les habitants de la vallée de la Tinée.

Les fresques intérieures sont d’une grande valeur artistique. Elles représentent des scènes bibliques et des épisodes de la vie des saints locaux. Il est probable que ces fresques aient été réalisées par un groupe d’artisans itinérants spécialisés dans la décoration des chapelles de montagne. Ces artistes, souvent anonymes, étaient formés dans les ateliers italiens et se déplaçaient au gré des commandes des villages alpins.

On peut constater la fraicheur étonnante de ces fresques qui ont été réalisées avec la technique « Tempera ». Une fois le support enduit de chaux, une deuxième couche est appliquée puis les motifs sont dessinés au fusain. Sur une troisième couche de chaux les pigments dilués dans du jaune d’œuf et de latex de figuier sont appliqués.

Ces fresques s’inscrivent dans la tradition picturale alpine et, plus particulièrement, dans celle de l’école piémontaise, très influente dans la région au XVe et XVIe siècles qui se caractérise par des représentations réalistes des scènes religieuses, une attention aux détails architecturaux, et une utilisation subtile de la perspective.

Les fresques de Saint-Érige représentent un ensemble iconographique typique de l’époque, visant à instruire les fidèles sur les épisodes clés de la Bible.

Les thèmes traités sont l'histoire de Saint-Érige, le Christ entouré du Tétramorphe, l'histoire de Saint-Denis, l'histoire de Marie-Madeleine, ainsi que des saints et des apôtres.

On peut admirer dans la niche entre les deux absides, surmontée d'un baldaquin en maçonnerie, deux anges qui soutiennent Sainte Marie-Madeleine représentée en pied, entièrement enveloppée de ses longs cheveux dorés ainsi qu’une fresque où est représenté Saint-Érige entouré de bergers et de paysans. Les artistes ont également intégré des éléments de la vie quotidienne de la vallée, comme les habits des personnages, qui ressemblent à ceux que portaient les habitants de la région à cette époque.

Dans l'abside, à droite, un Christ pantocrator entouré des quatre évangélistes avec le livre de vie ouvert et le signe de la Sainte Trinité.

Parmi les nombreuses fresques on peut voir l’évêque à genoux devant le pape Grégoire 1er avec en arrière-plan, les représentations de Saint Pierre et de Saint Paul.

Saint Érige est une figure religieuse locale peu connue, mais vénérée dans la région. Il aurait vécu au VIe ou VIIe siècle, et selon la tradition, il fut évêque de Gap dans les Hautes-Alpes. Il est réputé pour avoir eu une grande influence spirituelle sur la région des Alpes du Sud, où il est souvent associé aux montagnes et aux communautés rurales.

Il est particulièrement célébré pour sa simplicité, son ascétisme et son dévouement à la vie pastorale. Il aurait œuvré à l’évangélisation des zones montagneuses, où le christianisme avait encore besoin de s’implanter fortement à cette époque. La chapelle lui est dédiée en signe de reconnaissance de son œuvre missionnaire et de son influence durable sur la spiritualité locale.

On raconte que Saint-Érige aimait la solitude des montagnes, ce qui en fait une figure symbolique pour cette région d'altitude. Il est aussi le patron des bergers et des agriculteurs, professions très présentes dans les Alpes maritimes à cette époque.

La légende rapporte que Saint-Érige, poursuivi par des bandits au col de Barbacane, fut soulevé dans les airs et franchit la Tinée d’un seul bond avec son cheval et atterrit à l’endroit où devait être construite la chapelle. Il était réputé pour guérir les enfants chétifs et on y apportait aussi des enfants morts sans baptême et s’ils ouvraient les yeux pendant la messe, on se dépêchait de les baptiser pour qu’ils entrent au Paradis.

La population l’invoquait aussi contre le bégaiement, pour la pluie, et la fertilité des terres.

La chapelle est un lieu de culte et elle accueille régulièrement des offices religieux et des événements culturels locaux notamment des concerts de musique sacrée en été lorsque la région est plus touristique.

La découverte de la chapelle Saint-Érige a pu être effectuée avec l’aide de Jacques Joncour, délégué départemental adjoint de la Fondation du Patrimoine, et de Monsieur Jérôme Bracq, Chef du service du patrimoine culturel du Département des Alpes Maritimes ainsi qu’avec Madame Christiane Mattei. Je les remercie chaleureusement.

Bonne découverte.
 

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