Les escapades de Jean-Pierre / L'abbaye du Thoronet
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Ce mois-ci Jean-Pierre nous fait découvrir l’abbaye du Thoronet, l'une des trois abbayes cisterciennes de Provence avec Silvacane et Sénanque. Suivez le guide !
L’abbaye du Thoronet est située à la sortie du petit village du même nom dans le département du var. Elle est à l’écart dans un site sauvage, très vert et très isolé au milieu de chênes.
Elle est une des trois abbayes cisterciennes de Provence avec Silvacane (Bouches-du-Rhône) et Sénanque (Vaucluse). Parmi elles, seule celle de Sénanque accueille encore une communauté de moines.
Elle a été fondée au XIIème siècle avec une communauté de vingt moines et n’a pas tardé à connaître la prospérité grâce à de nombreuses donations, notamment de la part des seigneurs de Castellane. Son édification débute en 1160 et se prolonge jusqu’en 1230.
La dame est donc âgée de 864 années.
Le moine Robert de Molesme fonde en 1098 le monastère de Cîteaux près de Dijon, en décidant de revenir à la règle stricte de Saint Benoît qui prône l’humilité, l’obéissance, la pauvreté et le juste équilibre entre travail manuel et prière. Entre 1113 et 1115, sont fondées les abbayes de la Ferté, Pontigny, Morimond et Clairvaux.
Sous l’abbatiat de Bernard, Clairvaux devient le centre de l’ordre cistercien qui essaime à travers toute l’Europe.
L’ordre cistercien auquel les moines du Thoronet étaient rattachés, est un ordre monastique de droit pontifical. Il joue un rôle majeur dans l’histoire religieuse du XIIème siècle, et s’impose dans tout l’Occident. Il promeut ascétisme et rigueur liturgique et érige le travail comme une valeur cardinale. Il exerce aussi une influence importante dans le domaine intellectuel, économique, dans le domaine des arts et de la spiritualité.
Au début du XIIIème siècle l’abbaye du Thoronet abrite une vingtaine de moines et quelques dizaines de frères convers. Ces derniers, appelés sœurs converses pour les moniales, sont les membres des ordres religieux catholiques chargés principalement des travaux manuels et des affaires séculières d'un monastère. Au Thoronet, il y eu jusqu’à deux frères convers pour un moine.
A partir du XIVème siècle, le Thoronet comme d’autres abbayes, connaît le déclin aggravé par les guerres de religion. A la Révolution, seuls restaient sept religieux dans un profond dénuement. Prosper Mérimée, écrivain, historien, archéologue et inspecteur général des monuments historiques, confia à l’architecte Révoil la restauration de l’abbaye qui débute en 1841 et continue encore de nos jours.
Sans rentrer dans le descriptif des règles géométriques très élaborées utilisées pour la construction de l’abbaye, comme pour toutes les constructions cisterciennes, je peux simplement témoigner du résultat visuel qui donne le sentiment d’une œuvre très aboutie, avec des lignes très pures et très simples, dans une grande sobriété architecturale.
Elle exprime l’essence même de l’art architectural Cistercien fait de dénuement extrême, de pureté des lignes, de simplicité des volumes dictés par l’organisation de la vie communautaire. Les moines cisterciens aspiraient à une vie simple et dépourvue de luxe, ce qui se reflète dans leurs édifices. Les bâtiments cisterciens sont conçus de manière à servir efficacement leur objectif principal : la prière et le travail. Les espaces sont fonctionnels et dépourvus d'ornements superflus. Les églises cisterciennes sont généralement de style roman, elles présentent une nef principale longue et étroite, souvent dépourvue de transept. Les lignes sont épurées, avec peu de décorations. Les murs des bâtiments cisterciens sont généralement épais, renforçant l'idée de solidité et de simplicité. Les fenêtres sont souvent petites et placées de manière stratégique pour laisser entrer la lumière sans compromettre l'intimité. Les matériaux utilisés sont souvent simples, tels que la pierre non décorée, renforçant l'aspect austère de l'architecture cistercienne.
L'architecture cistercienne a eu une influence significative sur le développement de l'architecture médiévale en Europe, et elle reste un exemple d'austérité et de fonctionnalité dans le contexte monastique.
Elle a aussi trois fonctions : louer Dieu et Lui faire une offrande pour obtenir ses grâces, rendre présent l'invisible, le Royaume de Dieu, et affirmer sa puissance par une œuvre d'art. Sans être un spécialiste, j’ai ressenti de façon intuitive pourquoi il est précisé que cette abbaye représente le plus parfait exemple de l’architecture cistercienne.
Le Thoronet se caractérise aussi par une acoustique exceptionnelle, avec un écho qui se prolonge fortement. Ceci imposait aux moines une grande discipline, car ils devaient chanter lentement et à l’unisson. En visitant l’abbaye, on ressent cette charge émotionnelle et spirituelle des générations de moines qui ont vécu dans ces lieux et qui est toujours présente.
D’ailleurs, tous les mois de juillet ont lieu les Rencontres de musique médiévale du Thoronet, et au mois d’août se tiennent des concerts de musique vocale et de musique de chambre. Ces manifestations attirent un très nombreux public.
L'acoustique des églises cisterciennes joue un rôle essentiel dans la liturgie et la musique sacrée pratiquées par les moines cisterciens. Les espaces intérieurs épurés, les murs épais en pierre et les surfaces réfléchissantes minimales contribuent à créer une acoustique claire et naturelle. Les moines cisterciens ont accordé une attention particulière à la qualité de l'acoustique pour les chants liturgiques. Les églises étaient conçues pour avoir une réverbération contrôlée, offrant un équilibre entre une réverbération suffisante pour enrichir le son, tout en évitant une réverbération excessive qui pouvait entraîner une confusion sonore.
Les églises cisterciennes étaient souvent construites avec une attention particulière à la disposition des espaces. Les chœurs étaient placés de manière à maximiser la projection sonore, permettant aux chants liturgiques d'être entendus clairement par la communauté monastique.
Les bancs et les rangées de moines étaient souvent disposés de manière à favoriser la propagation du son à travers l'église. Cette disposition contribuait à une meilleure écoute des prières et des chants pendant les célébrations.
L'orientation des églises cisterciennes était souvent axée sur des considérations liturgiques et symboliques. Cependant, elle pouvait également avoir des implications sur l'acoustique, en veillant à ce que le son se propage de manière efficace dans la direction souhaitée.
Dans l'ensemble, l'acoustique des églises cisterciennes était adaptée aux besoins spécifiques des pratiques liturgiques des moines, favorisant une expérience sonore riche et immersive pendant les offices religieux. Cette attention à l'acoustique reflète l'importance de la musique sacrée et de la prière dans la vie monastique cistercienne.
Au Thoronet, parmi les lieux qui m’ont le plus attiré figure la « salle capitulaire », ou « salle du chapitre ». Elle est remarquablement bien conservée et baigne dans une lumière douce et tamisée diffusée au travers de petits vitraux très simplement décorés et positionnés dans des murs épais.
Les moines s’y réunissaient pour délibérer des affaires temporelles ou spirituelles de la communauté. Chaque matin la communauté entière devait se réunir dans la salle, pour y entendre lecture d'un chapitre de la règle. C’est de cette réunion que vient le nom de « chapitre » donné à ces édifices. Les frères convers n’étant pas invités à y participer, c’est ainsi qu’est apparue l’expression « n’avoir pas droit au chapitre » car on n’avait « pas voix au chapitre ».
Les moines participaient à sept offices de jour et un de nuit : matines, laudes, primes, tierces, sextes, nones, vêpres et complies. Ce rythme des offices est encore suivi par les moines de l’abbaye de Sénanque.
Bonne découverte !