Publié le 28 septembre 2024

Les escapades de Jean-Pierre / Le Couvent des Trinitaires de Saint-Étienne-de-Tinée

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Pour cette rentrée, Jean-Pierre vous fait découvrir le couvent des Trinitaires de Saint-Etienne-de-Tinée. Suivez le guide !
 

Niché dans la vallée de la Tinée, Saint-Étienne-de-Tinée est un petit village avec des origines très anciennes. Il est mentionné pour la première fois dans une charte datée de 1066 ce qui permet d'affirmer qu'un village du nom de Sancti Stephani Tiniensi a bien existé. C’est au XVIIème siècle que le village prend le nom actuel.

Il a été marqué par des influences ligures et romaines. Situé sur une ancienne route commerciale, il a longtemps joué un rôle important en tant que passage entre les Alpes et la Méditerranée. Au Moyen Âge, la vallée de la Tinée, et plus spécifiquement Saint-Étienne, a été témoin de nombreuses rivalités seigneuriales, les terres changeant de mains plusieurs fois entre les comtes de Provence et de Savoie.

Saint-Étienne-de-Tinée a réussi à conserver un mode de vie traditionnel qui se manifeste surtout à travers ses fêtes et célébrations. L'une des plus anciennes et emblématiques est la fête de la Saint-Roch, célébrée le 16 août. C'est un moment de dévotion mais aussi de convivialité, où le village se rassemble pour des processions et des repas festifs.

Chaque année le village organise également la Fête de la Transhumance qui rappelle l’importance de l’élevage et de la vie pastorale dans la vallée, et durant laquelle de nombreuses activités traditionnelles sont proposées.

Le village est également célèbre pour son patrimoine architectural avec l’église consacrée à Saint-Étienneet son clocher lombard datant de 1492. L'intérieur de l’église abrite des fresques et des retables qui témoignent de la richesse artistique de la région au cours des siècles. 

Le village est aussi connu pour avoir abrité une communauté des Trinitaires qui y construisit un couvent et une chapelle.

Le couvent fut établi à une période indéterminée entre la fondation de l'ordre et 1325. La tradition attribue son établissement à un disciple de Saint Jean de Matha, aidé par les seigneurs de Faucon. Le premier couvent, connu sous le vocable de Saint-Salvaire, était situé au cœur de la ville.

En 1594, un incendie détruisit le couvent, poussant les Trinitaires à le reconstruire hors de la ville, au quartier Serré. Ce nouvel emplacement, entouré de cultures et de vergers, bénéficia de la générosité des habitants. Les travaux de construction furent achevés en 1677, incluant une église, une sacristie, un clocher et des annexes.

L’établissement des Trinitaires à Saint-Étienne-de-Tinée joua un rôle crucial dans la vie religieuse et sociale de la communauté locale. L’église du couvent, bien que petite, était le centre de la vie religieuse de la communauté. En 1651, le couvent fut menacé de suppression par une bulle pontificale, mais grâce à la mobilisation des habitants et aux démarches réussies du père ministre Scipion Gaidoni à Rome, le couvent fut sauvé. La prospérité du couvent se poursuivit jusqu'à la dispersion des Trinitaires en 1794, après quoi le couvent devint propriété communale et fut transformé en caserne.

L'Ordre de la Sainte Trinité et de la Rédemption des Captifs, plus connu sous le nom de Trinitaires, fut fondé à la fin du XIIe siècle par Saint Jean de Matha. Originaire de Provence il vit le jour vers 1160 à Faucon-de-Barcelonnette. Sa vie, bien que peu documentée est marquée par un dévouement profond à la libération des chrétiens captifs en terre d'Islam. Il fonda l'ordre en compagnie de Félix de Valois, et la première communauté Trinitaire s’établit à Cerfroid en Picardie.

Les Trinitaires se distinguaient par leur approche non-violente et leur engagement humanitaire dans un contexte marqué par les croisades et les tensions religieuses. Le symbole Trinitaire, une croix aux couleurs rouge et bleue, devint un signe de libération et d'espoir pour les captifs rachetés. Ce signe, gravé sur les scapulaires des captifs libérés, représentait leur libération divine et leur nouvelle vie.

La mission principale de l'ordre, approuvée par le pape Innocent III en 1198, consistait à racheter les captifs chrétiens, souvent en s'offrant eux-mêmes comme otages en échange. Ils vivaient en communauté, suivant une vie de prière régulière et dévouée à la Sainte Trinité, consacrant leur vie à Dieu tout en servant les autres, notamment les pauvres et les prisonniers. Un aspect unique de leur règle était que les ressources financières de l’ordre étaient divisées en trois parts : un tiers pour les besoins des religieux, un autre pour les pauvres, et le dernier tiers pour racheter les captifs.

La croix des Trinitaires, emblème distinctif de l'Ordre de la Sainte Trinité et de la Rédemption des Captifs, est composée de trois couleurs : bleu, blanc et rouge. Ces couleurs ont une signification particulière liée à la mission et à la spiritualité de l'ordre. Chaque couleur représente une personne de la Sainte Trinité et ensemble, elles symbolisent l'unité et la diversité de la Trinité.

Le blanc pour Dieu le Père, la source de toute pureté, le rouge pour Dieu le Fils, qui a versé son sang pour la rédemption, et le bleu pour Dieu le Saint-Esprit, qui inspire et guide.

La chapelle, construite en 1685, se compose d’une nef à trois travées et un chœur quadrangulaire. L'intérieur est richement décoré avec des fresques relatant la vie de Saint Jean de Matha et de Félix de Valois. Dans la chapelle à gauche du chœur se trouvent à la voûte des fresques spectaculaires célébrant la bataille de Lépante et la dévotion des Trinitaires à la Vierge Marie.

La bataille de Lépante a eu lieu le 7 octobre 1571, dans le golfe de Patras, près de la côte ouest de la Grèce actuelle. Elle est souvent considérée comme l'un des plus grands affrontements maritimes de l'histoire et un tournant dans les relations entre les puissances chrétiennes d'Europe et l'Empire ottoman.

Quatre panneaux peints évoquent des épisodes de cette bataille avec Cervantes, amiral de la flotte chrétienne à genoux et faisant un vœu entre les mains du supérieur des Trinitaires de Valence avant de prendre le commandement des forces navales catholiques.

Le chœur est de plan carré à chevets plats. Le retable principal, œuvre de François Perrier de Nice datant de 1737, est un élément central de la décoration intérieure. Ce grand triptyque en bois de mélèze est orné de colonnes torses et d’un panneau central représentant l’Aumône des Esclaves, rappelant la vision qu’eut Saint Jean de Matha lors de sa première messe. Ainsi, un ange tient dans chaque main un captif relié à lui par des chaînes, un homme blanc et un homme noir.

Un grand tableau sur toile occupe le panneau central du retable, évoquant la Sainte Trinité. De part et d’autre se trouvent les statues de Saint Jean de Matha et de Saint Félix de Valois. La chapelle à droite du chœur abrite Notre-Dame de la Conception et est recouverte de fresques relatant la vie de la Vierge avec une voûte couverte de fresques symbolisant les éloges de la Divine Sagesse.

Au-dessus de la porte d’entrée figure le motif sculpté de la croix des Trinitaires avec de chaque côté un cerf droit soutenant une couronne. Ces derniers rappellent une vision qu’eurent Saint Jean de Matha et Saint Félix de Valois, celle de deux cerfs portant au milieu de leurs bois la croix des Trinitaires surmontée de la couronne de France.

L'Ordre des Trinitaires continue d'exister et de mener ses activités à travers le monde. Aujourd'hui ils sont présents en Amérique du Nord, en Amérique Latine, eu Europe, en Afrique et en Asie. Les Trinitaires restent fidèles à leur mission originelle de rédemption et de service, ils demeurent une force active dans l'Église catholique, continuant à œuvrer pour la libération des captifs, la charité, et l'éducation à travers le monde. Leur présence internationale et leur engagement renouvelé témoignent de la vitalité de leur mission séculaire.

La découverte du village de Saint Etienne de Tinée et de la chapelle des Trinitaires a pu être effectuée avec l’aide de Jacques Joncour, délégué départemental adjoint de la Fondation du Patrimoine, et de Monsieur Jérôme Bracq, Chef du service du patrimoine culturel du Département des Alpes Maritimes, que je remercie chaleureusement pour leur aide. En l’état actuel de la chapelle, elle ne peut être visitée, mais des travaux de restauration sont envisagés à cet effet.

Bonne découverte.

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