Publié le 28 mars 2024

Les escapades de Jean-Pierre / Les Pénitents Blancs de Nice et la Chapelle de la Sainte-Croix

Pour accéder à l'intégralité des escapades de Jean-Pierre, cliquez ICI 


Ce mois-ci  l'ami Jean-Pierre  nous fait visiter la chapelle Sainte-Croix, à Nice, qui appartient à l'Archiconfrérie des pénitents blancs. Il en profite pour nous faire un petit historique sur l'origine des confréries de Pénitents.


La ville de Nice figure parmi les villes en France qui connaît le plus grand nombre de confréries de Pénitents.

Les Pénitents sont des catholiques, principalement des laïcs qui ont choisi de vivre leur foi au travers de règles spécifiques. Ils sont organisés en confréries d’hommes, de femmes ou mixtes et leur engagement est réversible. Contrairement à un ordre, chaque groupe est indépendant sous l’autorité de l’Évêque du lieu et reste sous sa surveillance. Ce dernier veille à ce qu’il n’y ait dans la paroisse qu’une seule confrérie du même nom et suivant le même but, afin d’éviter tout désordre et toute rivalité. De la même façon, les statuts propres à chaque confrérie sont soumis à son autorisation, il doit les approuver ou les modifier. Ils indiquent le but de la confrérie et les moyens pour l’atteindre, ainsi que tout ce qui a trait à l'organisation interne.

Les confréries jouent un rôle actif dans la vie de la Cité et leur vocation est double en réalisant une manifestation publique de leur foi catholique, et leur présence auprès des plus démunis. Elles ont joué un rôle mutualiste à une époque où il n’y avait pas de sécurité sociale.  

Ces confréries sont nées en Europe Méditerranéenne à la fin du XIII° siècle.

La première apparue à Nice fut celle de l’Archiconfrérie de la Sainte Croix en 1306, plus connue sous le nom de l’Archiconfrérie des Pénitents Blancs dont le nom est inspiré de la couleur de leur tenue. Elle se dota d’une mission d’assistance aux malades et aux déshérités, et s’est récemment spécialisée dans l’accompagnement des personnes en fin de vie.

Les Pénitents Blancs, par décision du 7 mars 1632, décideront de construire leur propre hôpital pour soigner les pauvres et les infirme qui ouvrira en 1636. Ils construisirent plus tard un nouvel hôpital route de Turin qui fonctionnera jusqu’en 1973.

Viendra ensuite la création en 1329 de l’Archiconfrérie de la Miséricorde avec les Pénitents Noirs. Leur vocation était à l’origine de porter assistance aux condamnés à mort, rôle disparu aujourd’hui avec l’abolition de cette peine. C’est ainsi qu’ils eurent pendant longtemps le privilège d’obtenir chaque année la grâce d'un condamné à mort.

Ils avaient aussi créé un très important Mont de Piété qui pouvait aider les gens qui avaient des difficultés financières qui se transforma le 16 juin 1861 en Bureau de Bienfaisance. Et qui, de nos jours, est devenu le Centre Communal d ‘Action Sociale de la Ville de Nice mais qui n’est plus géré par les pénitents.

Aujourd'hui les Pénitents Noirs accompagnent les familles en deuil pendant les funérailles.

Par la suite apparut l’Archiconfrérie du Très Saint Sépulcre avec les Pénitents Bleus en 1431. Ils eurent dans le passé des missions importantes en s’occupant de la gestion de l’Hôpital Saint Eloi puis de l’hospice des orphelines de 1584 à 1763. Aujourd’hui, en dehors de la conservation de leur chapelle de la Place Garibaldi, ils s’occupent principalement de catéchèse.

Vint enfin l’Archiconfrérie de la Très Sainte Trinité avec les Pénitents Rouges issue de la fusion de trois autres confréries. Leur vêtement rouge provient d’ailleurs de la Confrérie du Saint-Nom-de-Jésus. Ils se définissent comme les gardiens de la mémoire du Saint Suaire, le linceul ayant enveloppé le corps du Christ, ce dernier ayant été conservé à Nice pendant 7 ans au 16ème siècle. Cette confrérie s’occupa pendant longtemps des orphelins et des pèlerins. De nos jours ils célèbrent chaque dimanche la messe tridentine en latin et le 11 mai une cérémonie pour le Saint Suaire.

Il faut savoir qu’en plus de ces quatre confréries de la Ville de Nice, il y en a une quinzaine dans le Comté de Nice. Mais, il fut une époque où chaque village avait sa confrérie et au milieu du XVIII° siècle, il y avait sept confréries dans la ville de Nice et une cinquantaine dans le Comté.  

Si aujourd’hui la confrérie des Pénitents Blancs occupe la Chapelle de la Sainte-Croix rue Saint Joseph, elle fut créée dans l’église des dominicains de Nice. Plus tard, ils quittèrent la chapelle du couvent des dominicains pour construire leur propre chapelle à côté de l’église Saint-Martin–Saint-Augustin. Puis ils s’installèrent dans la chapelle de l’ancien couvent des Minimes qui fut entièrement rénové entre 1765 et 1767, pour s’y installer définitivement.

La façade a été ajoutée au XIXe siècle dans le goût baroque quand la chapelle connut une grande rénovation.

A la porte de la sacristie de la chapelle des Pénitents Blancs, un linteau datant du XVIIème siècle provenant sans doute de l'ancienne chapelle montre deux pénitents en cagoule en adoration devant la Croix.

Sa réfection fut effectuée de 1765 à 1767 dans un style baroque par Antonio Spinelli un architecte niçois. Son clocher de style baroque date de la même époque.

Son plan est très simple avec trois rectangles juxtaposés, l’un pour la nef, un autre pour le chœur, et le troisième pour les confrères. On peut admirer une très riche décoration florale ce qui est rarissime pour un lieu de culte.

Des motifs floraux en guirlandes, en vase, ornent tout l'édifice dans des nuances de bleus de gris et de blanc. Les piliers, les murs, les frises, la voûte, ce qui est unique dans le comté de Nice. La représentation de la Croix est largement utilisée dans toute la nef.

On peut admirer des peintures du XVIIème siècle avec l’Arrestation de Jésus, la Descente de Croix, la Mise au tombeau, et l’Invention de la Sainte-Croix.

La chapelle est classée aux monuments historiques depuis 1987 et a été régulièrement restaurée.  

Le fronton au-dessus de la porte est orné du pélican qui est le symbole de la charité correspondant à la vocation caritative de la confrérie. L'art chrétien a ainsi fait du pélican le symbole du Christ qui se sacrifie pour la rédemption des pécheurs. Au Moyen Âge, la représentation du pélican comme symbole du martyre et de la charité figure dans de nombreux ouvrages illustrés d'enluminures et sur quantité d'armoiries.

Il nourrit ses petits en dégorgeant les poissons emmagasinés dans une poche extensible qu’il vide en pressant son bec contre sa poitrine ; au Moyen-Âge on croyait qu’il perçait son flanc pour nourrir ses petits de sa propre chair et de son sang.

En hébreu, le mot pélican vient de la décomposition du nom ABRAHAM (Ab = père et Rarham = pélican). D’où dans la symbolique hébraïque, Abraham, le Père Pélican ou le Père miséricordieux.

Les premiers chrétiens ont représenté Jésus ainsi en pensant à son sacrifice sur la croix où il a versé son sang par amour pour tous. Le pélican est donc devenu le symbole de l’amour du Christ qui donna sa vie pour tous les hommes, afin que tous aient la Vie.

Il représente également le sacrement de l’eucharistie, pain et vin consacrés qui sont Corps et Sang du Christ ; cette symbolique se fonde aussi sur la plaie du cœur frappé par la lance du soldat romain, d’où s’échappent le sang et l’eau, breuvages de vie. Symbole d’infinie charité et de résurrection, le pélican figure aussi par sa blancheur, la pureté de l’Amour divin de Jésus.

La voute de la nef fut décorée plus tardivement vers 1875, avec des thèmes tournant autour de la Sainte-Croix.

La découverte de cette magnifique chapelle a pu être effectuée avec l’aide de Jacques Joncour, délégué départemental adjoint de la Fondation du Patrimoine, et de Monsieur Michel Moulierac.

Bonne découverte.
 

Galerie